Critique de livre : « Crooked Seeds », de Karen Jennings
Lorsque Nelson Mandela a été libéré de la prison Victor Verster en 1990, après 27 ans d’incarcération, il y avait de l’espoir dans l’air. Lui et sa femme, Winnie, ont levé les poings serrés en signe de triomphe alors qu'ils sortaient des portes de la prison, entourés de partisans de différentes races. Sa libération annonçait une Afrique du Sud au bord de la transformation. La promesse d’une nouvelle nation arc-en-ciel a poussé les masses à organiser les premières élections générales inclusives en 1994, mais 30 ans plus tard, l’Afrique du Sud se débat avec des coupures d’électricité, une économie en déclin et la xénophobie.
Le roman captivant et méditatif de Karen Jennings, « Crooked Seeds », se déroule au Cap dans un futur proche, alors qu'une longue sécheresse a aggravé les conditions de vie déjà sombres de nombreux Sud-Africains. Deidre van Deventer doit s'adapter à sa nouvelle vie après que le gouvernement a récupéré sa maison familiale pour sécuriser les aquifères situés sous son quartier. Son père est mort depuis longtemps et sa mère souffre de maladie mentale dans un centre de soins de l'autre côté de la rue.
Deidre elle-même lutte pour survivre ; elle se déplace avec des béquilles dans son monde en crise, après avoir perdu une jambe il y a des années. Indifférente au sort de son entourage, Deidre est une victime perpétuelle, déplorant sa situation et profitant de tout le monde. Dans une scène, elle coupe la file de personnes attendant devant un camion leur ration quotidienne d’eau :
Un lever de soleil maussade s'arrêtait au-delà des réverbères et elle se pencha vers lui, sur la route, ignorant les cônes de signalisation, de sorte que les voitures durent s'arrêter pour elle, trois d'affilée. Elle gardait les yeux fixés sur le camion-citerne, ne prêtait pas attention aux voitures, ne regardait pas la file d'attente.
Après avoir reçu son eau avant les hordes, le reste de sa journée consiste à mendier de l'aide, des cigarettes et des boissons à ses voisins. Dans l'esprit de Deidre, sa blancheur et son handicap lui permettent d'exiger ce qu'elle pense lui être dû, et ce n'est pas une coïncidence si ceux qu'elle abuse sont des personnes de couleur.
La vie de Deidre prend un tournant brutal lorsque la police la convoque dans sa maison familiale, aujourd'hui un chantier de fouilles rempli de décombres. Des ossements humains ont été retrouvés ici, lui dit-on. Peut-être qu'elle sait quelque chose à leur sujet ? Nous apprenons bientôt que le frère de Deidre, Ross, aurait appartenu à un groupe pro-apartheid qui cherchait à perturber les élections de 1994 en faisant exploser des centres de vote. Il a disparu après qu'une de ses bombes a explosé chez eux, coûtant la jambe à Deidre.