Critique de livre : L'Iliade d'Homère, traduite par Emily Wilson

Critique de livre : L’Iliade d’Homère, traduite par Emily Wilson


« La guerre est une tâche pour les hommes », dit le prince troyen Hector à son épouse Andromaque, dans la nouvelle traduction propulsive d’Emily Wilson de « l’Iliade » d’Homère. « Pour chaque homme/né ici à Troie, mais plus particulièrement pour moi. »

De toutes les questions que soulève ce poème – sur la guerre, la mort, la rage et le chagrin – aucune n’est plus résonnante que celle-ci : Que signifie être un homme ? Et concrètement, que signifie être un homme en période de conflit ? Comment réagissez-vous lorsque votre ville est attaquée, lorsque votre honneur est remis en question, lorsque l’un de vos proches meurt ?

Le premier mot du poème est ménine: « colère cataclysmique », comme le dit Wilson. Le puissant Achille est tellement en colère après un affront public qu’il refuse de se battre aux côtés de ses compatriotes grecs et prie les dieux d’aider les chevaux de Troie. Ses camarades subissent des pertes catastrophiques. Vous pouvez immédiatement voir à quoi Wilson – professeur d’études classiques à l’Université de Pennsylvanie – est confrontée en essayant de garder sa traduction concise.

L’Iliade, composée vers le VIIIe ou VIIe siècle avant JC par un ou plusieurs poètes que nous appelons Homère, est un poème de contradictions. Il s’agit du récit de guerre ultime, mais il ne couvre qu’un mois et demi vers la fin des dix années du conflit troyen. C’est un poème d’une vaste portée mais d’une précision intime, de sorte que le lecteur ne perd jamais de vue les innombrables tragédies qui se combinent pour créer un récit épique. Et toute sa dévastation commence par une querelle apparemment insignifiante entre deux guerriers grecs, Achille et Agamemnon.

Les Grecs campent près de Troie depuis une décennie dans leur tentative infructueuse de récupérer Hélène, épouse de Ménélas. Après de récents raids sur les villes voisines, Agamemnon, le frère de Ménélas, a revendiqué une jeune femme nommée Chryséis. Le statut de guerrier se reflète dans les récompenses que lui décernent ses camarades : femmes, chevaux, or. Mais lorsque le père de Chryséis vient exiger le retour de sa fille, il le fait en tant que prêtre d’Apollon. Agamemnon l’insulte néanmoins et refuse. Il est immunisé contre les parallèles entre lui et le prêtre : chaque homme essayant de prendre possession d’une femme qu’il estime lui avoir été enlevée à tort.

Apollon écoute les prières en colère de son serviteur et envoie la peste pour dévaster le camp grec. Après neuf jours de maladie et de mort, les hommes soutiennent Achille lorsqu’il dit à Agamemnon de rendre la fille du prêtre et de présenter ses excuses au dieu. Agamemnon répond en exigeant qu’on lui remette le prix d’Achille, une jeune femme nommée Briseis, en guise de compensation.

Achille est sur le point d’attaquer Agamemnon lorsque la déesse Athéna apparaît derrière lui « et l’attrape par ses cheveux châtains. Elle était invisible pour tout le monde sauf lui. Athéna empêche l’effusion de sang mais Achille se retire du combat. Le plus grand guerrier que le monde grec ait jamais connu passera 18 livres – les trois quarts de ce poème de guerre – à ne combattre personne.

La traduction pétillante d’Emily Wilson de « l’Odyssée » d’Homère a été publiée avec un énorme succès en 2017 ; elle travaille « intensivement » depuis six ans sur sa version de « l’Iliade ». Son introduction réfléchie et érudite aide le lecteur moderne à comprendre que, aussi irritable que nous puissions trouver le comportement d’Agamemnon et d’Achille lorsqu’ils s’emparent des femmes comme si elles étaient des objets et ne considèrent rien au-delà de leur statut individuel de guerriers, ils reflètent les valeurs de l’humanité. temps. C’est un monde sans documents écrits, où un guerrier peut gagner Kléos — une renommée immortelle — en rivalisant avec des amis comme avec des ennemis, et en accumulant les récompenses matérielles qui accompagnent leurs victoires. Mais, comme le fait observer Wilson : « Ceux qui sont les plus grands gagnants peuvent être les plus touchés par toute perte. Le privilège implique une terrible vulnérabilité.

L’Iliade offre de nombreux archétypes de masculinité, pas seulement le machisme performatif dont Achille et Agamemnon font preuve. Nous voyons le langage persuasif d’Ulysse en action lorsque, dans le livre 2, il s’adresse aux Grecs qui veulent quitter Troie. blâmer les Grecs de s’inquiéter/derrière les navires courbes », dit-il, Athéna se tenant à ses côtés pour le soutenir. « Mais c’est honteux/de rester si longtemps et de repartir ensuite sans rien. » Nous voyons Patrocle, le plus proche compagnon d’Achille, s’avancer pour soigner les hommes blessés qui sortent du champ de bataille en boitant. Nous voyons Hector, le guerrier troyen, parler avec sa femme, souriant à son enfant. Et nous écoutons la sagesse de Priam et Nestor – roi troyen et leader grec, tous deux ayant dépassé l’âge de combattre – alors qu’ils donnent des conseils aux hommes plus jeunes.

La traduction du grec homérique par Wilson est toujours dynamique et expressive. Il y a parfois des glissements de registre qui semblent un peu déplacés : lorsque « Achille, fils de Pélée, était profondément troublé et que son cœur le plus intime » se brise en deux, il semble choquant que le cœur réside plutôt dans une « poitrine velue ». que peut-être un hérissé. Mais Wilson souhaite que cette version soit lue à haute voix, et ce serait certainement amusant à jouer.

Dans le livre 3, nous rencontrons Hélène de Sparte, aujourd’hui Hélène de Troie, « tissant un tissu massif à double épaisseur/aux couleurs éblouissantes, dessinant dessus/les nombreux troubles, épreuves et tribulations/que les cavaliers troyens et les Grecs en armure de bronze/ souffert aux mains d’Arès à cause d’elle. C’est un moment magnifique à la fois dans le poème et dans la traduction : la belle Hélène révélée par Homère comme la créatrice d’un récit de guerre, tout comme lui. Le lecteur contemporain voit un double reflet : Hélène à son métier à tisser, tissant la même histoire que raconte Homère, la même que Wilson tisse.


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