Critique de livre : « La maison de la Via Gemito », de Domenico Starnone

Critique de livre : « La maison de la Via Gemito », de Domenico Starnone

Ce n’est pas un livre récriminatoire, cependant; il n’exige pas que nous siégions en jugement. Alors que Mimì le fils fait face à une frustration permanente en tentant de résoudre l’énigme de la vie et de l’identité de son père, traversant et retraversant le territoire du passé comme un vétéran déconcerté à la recherche de traces de guerre sur un champ de bataille longtemps déserté, Starnone le romancier réussit magnifiquement à exploitant les contradictions de Federì et le manque de fiabilité de la mémoire pour créer ce qui est à la fois un récit familial complexe et un chef-d’œuvre sur la nature insaisissable de la vérité. La trahison de la mémoire se reflète dans la réalité trompeuse de Naples d’après-guerre, où l’histoire récente a été recouverte de silence et de mensonges concernant le (mauvais) comportement des citoyens ordinaires tout au long du règne de Mussolini et des années d’occupation.

Au milieu de ses décalages répétés dans le temps et de ses interrogations constantes sur ce qui s’est passé ou non, « La maison de la via Gemito » est stabilisée par ses trois sections, chacune ancrant le récit à un épisode décisif qui fournit un point central, et par son explicite l’accent sur sa propre artificialité. Starnone s’immisce fréquemment dans le récit pour réfléchir à un choix ou à un autre, faisant valoir que c’est la sélectivité du romancier qui crée l’illusion de vie et de profondeur dans une œuvre de fiction, même au niveau granulaire du temps, de la grammaire et de la syntaxe.

Pour sa première parution en anglais, « The House on Via Gemito » (qui a remporté le prestigieux prix italien Strega en 2001) a été bien servi par le traducteur Oonagh Stransky, dont le rendu est aussi vif que lucide, réussissant à placer des passages élégamment descriptifs côte à côte sur la page avec des insultes napolitaines minutieusement piquantes, reproduisant de nombreux de ces derniers en dialecte, laissant les longs mots composés exprimer à eux seuls leur hostilité et leur mépris.

Même les souvenirs les plus amers de Starnone sont coextensifs avec une empathie humaine pour Federì et une reconnaissance de leur affinité. Starnone se souvient de son émerveillement enfantin en découvrant que l’atelier de fortune où peint son irascible père est rempli de la même odeur qu’il a remarquée dans les pièces où les enfants ont joué, « l’aura d’une excitation laborieuse et joyeuse » : Pour le romancier, la l’attachement dévorant du peintre au « pouvoir d’oublier un monde pour en construire un autre » résonne profondément.

Le père raté mais obstiné est finalement la source d’une sorte d’orgueil exaspéré. À la fin du roman, alors que Federì approche de la mort, Starnone note qu’« il a tout fait tout seul, avec des mots et des actes, grâce à son obsession de son talent, grâce à son entêtement, à cause de son désir inébranlable de persister. ” C’est une bonne épitaphe, et une honnête.

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