“La Wolf” de Melodie Ducoeur, l’homme derrière la performance
Entre la statue de l’homme sportif de haut niveau et celle d’un adolescent rebelle,
Melodie Ducoeur dresse dans son dernier livre sortie, “La Wolf”, une biographie
authentique et sensible d’Éric Wolfer, une figure encore méconnue du grand public
malgré un parcours hors normes.
Portrait en dehors des lignes
L’ancien volleyeur professionnel n’a pas choisi de confier son histoire à un journaliste sportif,
mais à Mélodie Ducoeur, autrice et éditrice connue pour ses écrits des histoires de vies
complexes, riches en paradoxes. C’est à travers sa plume émouvante de sensibilité que
Mélodie Ducoeur dessine le portrait d’un homme que l’on imagine au premier abord
rigoureux, caractériel et ambitieux, mais qui se révèle peu à peu, plus complexe et plus
nuancé. C’est avec ce résumé que nous invite l’autrice à découvrir Éric Wolfer :
“ Placé par un juge en maison d’enfants, alors que j’avais quinze ans, j’aurais pu mal
tourner. Grâce à des mains tendues et à une volonté de fer, j’ai appris à combattre mes
démons en extériorisant mon mal-être par le sport. J’ai dû composer avec ce que j’ai reçu et
ce qui m’a manqué. J’ai connu la gloire, mais aussi des déboires. J’ai gagné des médailles,
et j’ai eu droit à leur revers. En toute humilité, j’aimerais vous raconter mon histoire, avec
l’espoir qu’elle soit inspirante pour des jeunes en difficulté. ”
La biographie comme terrain d’écoute
Dès les premières pages, Mélodie Ducoeur nous plonge dans cette vie peu commune avec
une histoire incarnée par une plume naturelle, qui nous donne la sensation de discuter avec
Éric Wolfer. On n’y lit pas le bilan d’un parcours professionnel, mais un portrait sensible
d’Éric Wolfer, qui s’attardent avec tact sur les instants-clefs, qu’ils s’agissent des
entraînements intensifs du jeune volleyeur, des tensions familiales, de ses débuts dans le
monde professionnels ou encore de sa vie de père. Des moments de vie qui résonnent
aujourd’hui encore avec les enjeux contemporains liés aux doutes, à la réussite et la
recherche d’identité.
Construite autour d’un fil chronologique limpide, la biographie alterne entre une narration
plus formelle et des inserts plus personnels. Mélodie Ducoeur, fait le choix de ne pas tout
raconter, de ne pas tout expliquer, comme pour laisser au lecteur la place de se retrouver
dans des aspects du caractère ou de la vie du sportif, mais aussi pour laisser la place à
l’interprétation du lecteur. L’autrice arrive avec justesse à ne pas tomber dans un récit plaintif
ou hagiographique, faisant passer au premier plan le message du sportif : celui de ne jamais
abandonner et d’aller créer les opportunités pour réussir.
“En 1990, âgé de vingt-quatre ans, j’ai donc appris que j’allais jouer mon premier match en
équipe de France. […] Je visais désormais les Jeux olympiques, qui avaient lieu deux ans
plus tard. Croyez-moi, j’allais tout donner pour faire partie de l’aventure. Je savais que si j’en
étais arrivé là, c’était notamment grâce à la première personne qui avait cru en moi : Alain
Geoffroy. Je n’oublierai jamais ce qu’il a fait pour moi.”
Ce que l’on devine plus qu’on ne lit
Avec un parcours professionnel dont rêvent de nombreux sportifs passionnés, ce n’est
pourtant pas ce qui nous frappe en premier lorsqu’on lit le livre. En effet, Mélodie Ducoeur
manie à merveille les allers et retours entre la vie professionnelle, sous les feux des
projecteurs, du sportif et sa vie intime. C’est d’ailleurs cette partie méconnue du public qui
prend le pas et qui nous façonne un homme en proie très tôt à ce qui semble être sa plus
grande contradiction : la maîtrise face au lâcher-prise.
Éric Wolfer est un homme qui aime avoir le contrôle, pourtant le récit de Mélodie Ducoeur
révèle, derrière l’image lisse du sportif de haut niveau ou du dirigeant, un reflet moins lisse,
moins héroïque. Wolfer est dépeint comme un homme traversé par des conflits intimes entre
exigence de performance et quête de sens. À la fois strict avec lui-même et contre l’autorité,
comme on peut le voir de nombreuses fois dans le livre.
“À cette époque, je me sentais invincible. Mais heureusement, mon entraîneur, Marc
Francastel, a été dur avec moi. Sans lui, je ne serais jamais allé en équipe de France.
Aujourd’hui, j’en ai bien conscience, même si j’étais alors trop fier pour l’admettre.”
Un récit qui place l’homme avant le sportif
La Wolf est un récit qui a choisi le parti-pris de ne pas s’attarder sur les détails techniques
de la carrière sportive d’Éric Wolfer, mais de se centrer sur l’intime et la perception
totalement subjective. Ce choix narratif confère au livre une tonalité singulière, assez loin
des biographies de sportifs centrées sur les exploits et palmarès de ces derniers. Ici, pas
d’archives sportives ressassées, ce sont les doutes, les failles et les tiraillements de
l’homme qui sont mis en lumière.
Parcourir La Wolf, c’est découvrir une œuvre d’équilibre qui refuse les jugements faciles
comme les glorifications. Il s’agit d’un texte tout en nuances, habile par sa retenue et sa
manière d’approcher l’intime sans jamais y rentrer de force. Le style de Mélodie Ducoeur,
tout en suggestions, évite le pathos et laisse place à une forme d’écoute silencieuse du
lecteur. À travers un parcours de vie ou réussite et heurtes se mêlent sans hiérarchie,
l’ancien sportif de haut niveau Éric Wolfer se dessine autrement : non plus comme une
figure héroïque , mais comme un homme en perpétuelle construction. Éric Wolfer est à la
fois proche sans ses hésitations et questionnement et insaisissable, par ce qu’il choisit de
taire et/ou de protéger.
Rédigée par Emma Diedhiou