Critique de livre : « The Vaster Wilds », de Lauren Groff

Critique de livre : « The Vaster Wilds », de Lauren Groff

De temps en temps, elle aperçoit des membres de la population locale de Powhatan ou les traces qu’ils ont laissées derrière eux. Les enfants se moquent d’elle. Elle aperçoit une femme de l’autre côté d’une berge et lève la main en signe de salutation, mais rien n’en sort. L’un des chapitres les plus passionnants implique une interaction avec un ermite espagnol, dont Groff adopte brièvement la perspective émouvante. On apprend qu’il est venu en Amérique en tant que missionnaire jésuite et que lorsque ses compatriotes ont été massacrés, il a couru se cacher dans la forêt, vivant seul pendant des décennies. Il marmonne en latin, mais en observant la jeune fille, il se rend compte qu’il a oublié le mot pour désigner ce non-homme. Dans cet épisode troublant, les « sauvages » du titre deviennent une sorte d’Eden inversé, où le langage se désapprend peu à peu.

Les oppositions entre sauvage et apprivoisé, forêt et habitat, humains et bêtes s’érodent également progressivement. Craignant les ours qu’elle pourrait rencontrer dans les bois, la jeune fille se souvient du spectacle de chasse aux ours dont elle a été témoin dans sa ville natale : un pauvre animal édenté, dégriffé et attaqué par des chiens. Plus tard, lorsqu’elle tombe sur une maman ourse avec ses petits, ils se révèlent plus doux qu’elle ne le pensait.

Comme dans son récent roman historique « Matrix », Groff s’intéresse à la façon dont les femmes donnent un sens au monde et trouvent des méthodes de survie. Nous sentons l’ampleur insondable de la tâche de la jeune fille dans un souvenir à moitié formé qui résonne tout au long du livre : « un parchemin, une carte, une grosse baie dessinée vers l’est et une échelle de rivières comme les rayons du soleil qui montaient toujours vers le nord depuis il. » Ce fragment de connaissance, glané sur l’épaule d’un homme dans la colonie, est le seul guide de la jeune fille.

« The Vaster Wilds » est un témoignage de lutte individuelle. La jeune fille laisse derrière elle son foyer, mais aussi, comme l’ermite, sa langue. En tant que tel, les autres humains qu’elle rencontre sont en grande partie éphémères. Elle leur est étrangère ; ils lui sont étrangers. Bien que je me retrouve parfois à souhaiter l’humour et la vitalité des romans précédents et très peuplés de Groff, il ne fait aucun doute qu’elle a les compétences nécessaires pour réaliser ce one-woman show. Je connais peu d’autres écrivains dont les phrases sont aussi belles et aussi propulsives. La jeune fille incarne un mouvement furieux, tout comme la prose. Phrase après phrase, Groff crée des images lumineuses au rendu épuré, le décor historique lui permettant de jouer avec la cadence et la grammaire. C’est l’hiver et le paysage scintille : « Les arbres portaient des couches de glace si épaisses qu’elles semblaient recouvertes de verre, et les étoiles brillaient si fort sur le monde que le monde brillait en retour sur les étoiles avec un éblouissement stupide. »

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