Un mentorat d'écriture tout au long de la vie qui a commencé par une histoire

Un mentorat d’écriture tout au long de la vie qui a commencé par une histoire

Jeannette Winterson : J’étais là quand Eleanor est née, et la première chose que j’ai faite a été de lui raconter une histoire. C’est la fille de ma plus vieille amie, Vicky Licorish, que j’ai rencontrée à l’université d’Oxford en 1979. Je n’ai jamais voulu d’enfants à moi, et ce n’est pas une décision que je regrette, mais j’adore l’avoir dans ma vie. Dès le début, elle est venue rester avec moi, et la lecture et l’écriture étaient ce que nous faisions. Je voulais qu’elle ait un peu du plaisir et de l’espièglerie que j’ai avec le langage. Nous souffrons tous mais, pour moi, écrire a été une joie. Cela m’a apporté plus que toute autre chose dans ma vie, et je voulais transmettre cela.

À travers moi, elle a vu qu’il était possible de vivre une vie d’écrivain, aussi bien de manière pratique que créative. Nous sommes des écrivains très différents, et j’aime ça. Nous utilisons tous les deux l’histoire, mais je l’utilise comme une drogue psychotrope plutôt que comme un passé recherché et vérifiable. Je suis fasciné par les états intérieurs, et peu préoccupé par ce qu’on appelle généralement la réalité.

Le travail d’Eleanor m’a amené à m’attacher plus fermement à ma conviction profonde qu’il faut raconter l’histoire que l’on veut raconter. Pour sa génération, il y a souvent cette terreur que tout doit tourner autour du moment, alors c’est super pour moi de la voir dire : « Non, je veux écrire un roman historique. C’était facile quand j’étais jeune parce qu’il n’y avait pas cette pression pour réussir instantanément. Mais je lui ai dit : « Si les critiques sont bonnes, tu vas être ravie ; s’ils ne sont pas si bons, vous serez découragé. En tout cas, c’est le même livre. Il s’agit d’avoir la certitude que vous avez fait ce que vous vouliez à votre manière.

Eléonore Shearer : Jeanette a été escortée par la police pour être là quand je suis né. Elle a été prise dans la circulation à la suite d’un accident, et lorsqu’elle a dit à la police qu’elle assistait à un accouchement à domicile, ils l’ont prise pour une sage-femme. Avant même que je commence à lire son travail, la façon dont elle parlait a façonné la façon dont j’utilise les mots – avec précaution et délibérément. Elle est très généreuse avec ses conseils mais, parce qu’elle est tellement indépendante, elle est aussi une grande partisane de me laisser gérer les choses moi-même.

Ce n’est que lorsque j’ai commencé à écrire mon premier roman, « River Sing Me Home », qui se déroule dans les Caraïbes juste après l’abolition de l’esclavage, que j’ai trouvé ma voix. Je suis une personne assez critique et très consciente de ce que les autres pensent de moi. L’une des raisons pour lesquelles j’aime la fiction historique est qu’elle m’aide à sentir que mon ego n’en fait pas partie : c’est comme si j’étais un vaisseau pour l’histoire de mon protagoniste. Et donc je pense: « J’ai le droit de demander du temps et de l’attention aux gens pour ce livre parce qu’il ne s’agit pas de moi. »

Les entretiens ont été édités et condensés.

A lire également