Critique de livre : « L'épée brillante », de Lev Grossman
Le roi Arthur est mort. Et maintenant ?
Avec cette question, le nouveau roman de Lev Grossman, « L'Épée brillante », rejoint 1 400 ans de narration et gagne clairement sa place parmi les meilleurs contes arthuriens.
Le héros en herbe de cette épopée est Collum, un aventurier à la fois naïf et sardonique. Il a survécu à une enfance brutalement maltraitée en se promettant qu'un jour il serait chevalier sous le roi Arthur. Ainsi, devenu jeune homme, il vole une armure, se construit une nouvelle vie et décide de rejoindre la Table ronde.
Mais à son arrivée, il découvre Camelot en ruine. Le héros qu'il admirait a été tué au cours d'une bataille quelques semaines plus tôt. Des rois ambitieux et de puissantes fées se rassemblent aux frontières. Tout ce qui reste pour maintenir l'héritage d'Arthur est une poignée de chevaliers opprimés et Nimue, l'apprentie et usurpatrice de Merlin. (La version de Grossman reconnaît que le Merlin de la tradition est un prédateur sexuel, et Nimue, une jeune femme audacieuse qui tente de concilier sa foi chrétienne avec sa magie élémentaire, est une mage bien plus intéressante.)
Grâce à l'enthousiasme de Collum pour les idéaux perdus de Camelot, les chevaliers demandent une « grande merveille », qui ouvre un portail magique et les lance dans une quête après l'autre à la poursuite de… eh bien, ils ne sont pas vraiment sûrs. Collum et les chevaliers de la Table ronde ne savent pas quoi espérer : un nouveau roi ? Pour récupérer l'ancien ? Un nouveau Camelot ou le même Camelot ou juste un Camelot dans lequel ils peuvent survivre ?
Le livre est long, plus de 600 pages, et il semble long. L'histoire est sinueuse, mais à part quelques chapitres de fond qui sont, sinon inutiles, peut-être mal chronométrés, rien ne semble superflu. C'est un récit qui exige et récompense la patience.
Les intrigues passent du banal au fantastique absurde en un clin d'œil. Les combats surnaturels contre les diables et le Chevalier vert contrastent avec les combats au couteau désespérés et désordonnés avec les humains. Les batailles culminantes se produisent bien avant la fin du livre, laissant le lecteur se demander ce qu'il pourrait en rester. (Il s'avère que c'est assez fréquent.) Mais c'est précisément cette étrangeté et ce rejet de la structure attendue qui prouvent que Grossman sait ce qu'il fait.
Les légendes arthuriennes traditionnelles équilibrent deux impératifs opposés : se délecter du paganisme magique et nous rassurer sur le fait que Dieu est le pouvoir ultime et unique au monde. Grossman s'appuie avec succès sur cette contradiction fondamentale. L'une des meilleures scènes du roman est une bataille épique entre les forces magiques de la sournoise Fée Morgane et les anges littéraux venus d'en haut. Collum se réjouit d'abord de l'intervention divine, puis devient complètement démuni lorsqu'il réalise que rien de tout cela n'a d'importance. Toutes ces puissances surnaturelles sont incapables de se soucier de la vie humaine et sont finalement les deux faces d'une même pièce.
L'intrigue principale du roman appartient au nouveau venu de Grossman, Collum, qui devient chevalier et se joint à la recherche d'un roi. Mais il est bien plus qu'un simple personnage inséré dans le monde de Camelot. Son parcours est poignant et essentiel alors qu'il passe de la tentative de faire partie d'une histoire à la réalisation que les histoires sont des mensonges que nous racontons pour donner un sens à une réalité qui défie la narration simple.
Les autres personnages, un ensemble fascinant de chevaliers, bouffons, reines, rois et mages, sont tout aussi forts. Parmi les plus remarquables, on trouve Sir Dagonet, un chevalier bouffon au cœur brisé qui ne semble pas pouvoir trouver la joie dans le monde, et Sir Dinadan. Dinadan est l'un des meilleurs chevaliers des contes arthuriens modernes, avec une histoire prouvant que parfois les plus belles merveilles sont celles que nous créons nous-mêmes. Il a la dernière réplique du roman, un sentiment étonnamment parfait qui m'a fait pleurer. La seule exception aux personnages savamment mis à jour est la fée Morgane susmentionnée. Grossman ne sait jamais vraiment quoi faire de son pouvoir et de sa colère. Mais c'est un petit reproche, étant donné la complexité, la profondeur et le volume considérable de la distribution des personnages.
Grossman, surtout connu pour sa série The Magicians, est au sommet de son art avec « The Bright Sword », qui regorge d’idées et d’exécutions enviables. Peu d’auteurs pourraient accomplir ce qu’il a fait, en fondant un roman aussi ambitieux sur autant de tradition et d’histoire tout en le rendant accessible et profondément touchant.
Ce Camelot est bien plus diversifié et réfléchi que les versions précédentes. Il est aussi bien plus déprimant. Aucun des personnages n'est qui il espérait être dans son monde terrifiant, sans Arthur. Leur chef étant parti, leurs rêves de transformation le sont aussi. Les aventuriers vaillants et fatigués de ce conte ne savent jamais vraiment quoi espérer, mais c'est peut-être là le but. Ils continuent d'espérer malgré tout. Nous n'avions pas besoin de savoir ce qui s'est passé après la mort d'Arthur, mais Arthuriana est bien plus riche du fait que Grossman, comme d'innombrables conteurs avant lui, n'a pas pu abandonner le rêve de Camelot.