Critique de livre : « Inverno », de Cynthia Zarin

Critique de livre : « Inverno », de Cynthia Zarin


Une fois, j’ai enseigné un séminaire destiné aux écrivains de fiction diplômés intitulé A Poet’s Prose. La liste de lectures comprenait des œuvres en prose écrites par d’éminents poètes contemporains. J’ai été surpris de constater que plusieurs étudiants s’étaient inscrits au cours parce qu’ils considéraient leur propre écriture comme poétique. J’ai été moins surpris de constater que ce qu’ils entendaient par poétique était exactement le genre de langage tendu et voyant que j’avais espéré améliorer en étant exposé à des écrivains possédant les compétences essentielles d’un poète. Je voulais que mes élèves lisent la prose des bons poètes pour la même raison que je les encourageais à lire de la poésie : pour apprendre à quel point la concision du langage, l’utilisation méticuleuse des détails et la sensibilité à la cadence peuvent être efficaces.

Si j’enseignais ce cours aujourd’hui, j’inclurais « Inverno », le premier roman de la poète Cynthia Zarin. Je recommanderais en effet ce livre à tout lecteur pour qui le principal plaisir de la littérature réside dans les belles phrases. L’élégance et le pouvoir incantatoire de la prose de Zarin, ainsi que sa virtuosité d’observation, sont indéniables, mais, comme beaucoup d’œuvres originales, « Inverno » résiste à une description facile.

Au centre du roman se trouve une histoire d’amour qui, comme la plupart des histoires d’amour, est à la fois simple et terriblement compliquée. (Cela m’a aussi rappelé un vieux conseil : la meilleure façon d’écrire une histoire d’amour est de séparer les amants autant que possible.) Le narrateur a une voix captivante et lyrique et un style délibérément digressif mais savamment contrôlé. De temps en temps, elle s’adresse à un « vous », qui parfois répond ou commente le récit lui-même. Certains des brefs échanges entre les deux se déroulent en italien (souvent non traduits).

Hiver est le mot italien pour hiver, et le roman commence avec une femme nommée Caroline debout dans la neige à Central Park. Elle attend qu’Alastair, un homme qu’elle a aimé pour la première fois 30 ans auparavant, lui réponde. Il fait froid. Apparemment, « quand Caroline pense à Alastair, c’est toujours glacial ». Elle est obsédée par « La Reine des Neiges » de Hans Christian Andersen, dans lequel une jeune fille entreprend de sauver son ami bien-aimé de la méchante reine, qui l’a enlevé et piégé sur un lac gelé. L’amant autodestructeur de Caroline a également besoin d’être sauvé – de l’alcoolisme, entre autres maux – mais on nous dit très tôt qu’« Alastair n’a pas pu être sauvé ». Quant à se sauver, Caroline rejette plus d’un homme qui pourrait remplacer Alastair « parce qu’elle ne pouvait supporter très longtemps quelqu’un qui ne lui brisait pas le cœur ».

« La Reine des Neiges » est l’une des nombreuses histoires – tirées de la littérature, du cinéma ou d’autres sources – que Zarin utilise pour amplifier et enrichir sa propre histoire de cœur brisé et de désir incurable. Une autre obsession de Caroline est le personnage d’Etta Place dans le film « Butch Cassidy et le Sundance Kid », qui dit à son amant, Sundance, qu’elle fera tout ce qu’il veut sauf le regarder mourir : « Cette scène me manquera, si cela ne vous dérange pas. Une version de cette phrase est citée par Caroline assez souvent pour devenir une sorte de mantra. Le roman est structuré de telle sorte que non seulement certaines lignes mais aussi des scènes clés – comme celle d’ouverture de Central Park – apparaissent encore et encore, tout comme un large éventail d’objets, parmi lesquels un chapeau et des bottes en fourrure, un canif, une vie. conservateur, téléphones, miroirs et branches de sorbier.

Les nombreuses répétitions et boucles récursives soulignent à quel point le passé hante Caroline. Elle rumine des souvenirs remontant à son enfance dans l’espoir de découvrir la vérité sur sa vie. Que s’est-il vraiment passé? est une question qui résonne partout. Mais « la vérité change à mesure qu’elle s’en empare, comme un cerf-volant ou un serpent ; il n’aime pas être retenu, il se débat. Une autre question récurrente est de savoir comment l’histoire de Caroline doit être racontée – une tâche qui, pour le narrateur, ressemble de plus en plus à une question de survie. «Maintenant, il est plus tard dans la soirée et j’écris la nuit», écrit-elle. « Je commence à sentir que le temps presse et que je cours après une lumière dans l’obscurité, comme on pourrait courir après une voiture, impuissante, qui roule dans l’allée. »

L’amour et le temps. On dit communément que chacun a le pouvoir de guérir, mais « Inverno » concerne cet autre pouvoir qu’ils partagent : anéantir. Alors que la narratrice se retrouve « à courir derrière quelque chose ou quelqu’un qui s’en va pour toujours », le lecteur se retrouve à ralentir, pour mieux savourer la prose allusive et évocatrice de Zarin. Voir le chaos de la souffrance transformé en quelque chose de beau est l’une des principales raisons pour lesquelles nous nous tournons vers l’art. On ne trouve pas une phrase banale, ni une tache violette dans ce livre, que seul un poète aurait pu écrire.


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