Émotions de Yves Girouard : la poésie partagée, entre finesse et universalité
Il est des recueils qui, par leur seule justesse, réussissent à réunir ceux que tout sépare. Émotions de Yves Girouard appartient à cette catégorie rare : une œuvre de poésie qui touche aussi bien le lecteur chevronné, attentif aux inflexions du vers, qu’un public novice, en quête de simplicité sincère. C’est peut-être là sa plus belle singularité : faire tomber les murs entre les sensibilités littéraires, et proposer une langue commune, transgénérationnelle, où chacun peut retrouver un fragment de soi.
Yves Girouard n’a pas cherché à innover pour le geste : il a cherché à dire, avec netteté, avec densité, avec douceur. Son écriture n’est ni provocante ni obscure, mais elle n’est jamais banale. Elle vise l’évidence poétique — celle qui ne s’épuise pas dans l’explication, mais qui se déploie dans la résonance.
Une poésie incarnée, lisible, mais non lisse
Loin de l’exercice de style, les poèmes d’Émotions déploient un lyrisme discret, une émotion tenue, une élégance sans emphase. Ce sont des textes que l’on peut lire en silence ou à voix haute, que l’on peut partager avec un adolescent curieux ou offrir à un grand lecteur. Ils sont écrits avec cette modestie formelle qui cache une grande rigueur. Le vers y respire. Les images s’y installent. Les silences comptent autant que les mots.
La nature y joue un rôle de passeur : la mer, le brouillard, les forêts, les objets d’un passé simple sont convoqués non pour faire tableau, mais pour exprimer ce qui échappe au langage direct. Ainsi, les poèmes évoquent sans démontrer, ressentent sans décrire, laissant au lecteur la liberté d’y poser ses propres souvenirs, ses propres blessures ou émerveillements.
Un recueil que l’on offre comme on tend la main
Dans une époque souvent tentée par l’hermétisme ou l’ironie, Émotions assume une forme d’universalité assumée. Ce n’est pas une poésie qui exclut. C’est une poésie qui accueille. Elle peut être lue dans une salle de classe, dans un salon, dans un train. Elle traverse les générations sans se perdre dans les concessions. Elle dit quelque chose d’essentiel : que l’émotion n’a pas d’âge, que le mot juste est un abri pour tous.
Cette puissance tranquille du recueil en fait un objet littéraire rare. Non pas par son éclat, mais par sa constance. Non par sa complexité, mais par sa capacité à être relu sans s’user. Dans un monde pressé, Émotions est une œuvre à transmission lente, à lecture continue, à retour naturel.