Critique de livre : « Un rivage plus sauvage », de Camille Peri
Elle-même était dure comme du cuir. Originaire d'Indianapolis, la capitale de l'État, mais pas encore beaucoup plus qu'une ville frontalière, elle avait épousé à 17 ans un charmeur peu fiable et l'avait accompagné dans les mines d'argent du Nevada, où il n'avait pas réussi à faire fortune et où ils avaient grelotté dans une cabane de toile et de carton. Après avoir toléré pendant quelques années la débauche et les infidélités de son mari, elle s'était enfuie avec ses enfants, avait étudié l'art à Paris, puis s'était retrouvée dans la colonie d'artistes de Grez-sur-Loing, où elle avait rencontré Louis (comme l'appelait Peri), en France, alors qu'il poursuivait sa quête perpétuelle de soleil et de santé. Louis était fasciné par cette aventurière américaine, insubmersible et marquée par les blessures des combats, de dix ans son aînée.
Louis semble avoir la tuberculose, mais on ne lui a jamais diagnostiqué la maladie. Un diagnostic posthume crédible est celui de bronchiectasie, qui aurait provoqué ses fréquentes hémorragies. Son Écosse natale lui offrait le pire climat possible, et seuls des voyages vers des climats plus chauds lui apportaient un soulagement. Tournant le dos aux carrières que son père, un bourgeois d'Édimbourg, avait prévues pour lui, d'abord dans l'entreprise familiale d'ingénierie de phares, puis dans le droit, il commença ses pérégrinations en France, où il rencontra Fanny en 1876 ; il voyagea notamment avec un âne dans les Cévennes ; il suivit Fanny en Californie ; et finit par passer sa lune de miel avec elle dans un camp minier désert de Silverado.
Après de nouveaux voyages à travers l'Europe et l'Amérique, le couple part pour les mers du Sud : Nuku Hiva, Fakarava, Tahiti, Hawaï, la Micronésie, les îles Gilbert et enfin Samoa, où ils achètent 300 hectares et créent une plantation de cacao ; les vastes plantations de Fanny deviendront plus tard le noyau du premier jardin botanique de Samoa, que l'on peut encore visiter aujourd'hui. Les Stevenson, fervents anti-impérialistes, abandonnent leurs habitudes occidentales et adoptent les coutumes locales, s'impliquant étroitement dans la politique régionale, tandis que Louis produit du journalisme et de la fiction à un rythme presque effréné. Au cours de ses quatre années dans le pays, il écrit les romans des mers du Sud, aujourd'hui peu connus mais fascinants, « La marée descendante » et « La plage de Falesá ». » ainsi que le « Barrage d’Hermiston » inachevé, qu’il considérait comme la meilleure œuvre qu’il ait réalisée à ce jour.
Les écrits de Fanny n'ont pas reçu beaucoup d'attention de la part des biographes de Stevenson, mais Peri, coéditrice du recueil d'essais « Mothers Who Think », leur accorde du respect. Bien qu'elle ne fasse aucune déclaration élogieuse sur les dons littéraires de Fanny, elle déclare que ses histoires « se situent confortablement et avec honneur parmi celles des autres femmes écrivaines de magazines de son époque » et donne des descriptions des intrigues de Fanny qui révèlent une sophistication psychologique et un goût pour l'étrange qui sont définitivement liés à l'esthétique de son mari.